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« Djihad » et « guerre juste » au centre d’une conférence interreligieuse au Qatar

Secrétaire du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Mgr Miguel Ayuso Guixot était l’invité du Centre de recherche sur la législation et l’éthique islamiques (CILE) à Doha au Qatar les 18 et 19 mars.

Il a ouvert la conférence annuelle de cette institution – dirigée par l’essayiste Tariq Ramadan – consacrée aux concepts de « djihad » et de « guerre juste ».

 

12 novembre 2013 : P. Miguel Angel AYUSO GUIXOT, secrétaire du dicastere, lors de la presentation a la presse du livre Le dialogue inter-religieux dans l'enseignement de l'Eglise catholique / M.MIGLIORATO/CPP/CIRIC

 

La Croix : Pourquoi le Centre de recherche sur la législation et l’éthique islamiques, basé au Qatar, avait-il choisi pour thème de sa conférence annuelle « Éthique du conflit et de la résistance : vers une approche critique du djihad et de la guerre juste » ?

Mgr Miguel Ayuso Guixot : Il est évident que nous traversons un moment difficile et éprouvant de notre histoire – le pape François parle souvent d’une « troisième guerre mondiale par morceaux » –, qui demande à la fois de réfléchir et d’agir. La mauvaise compréhension, la mauvaise interprétation et même la manipulation de ces termes de « djihad », de « guerre juste » pour justifier la violence et la terreur au nom de la religion est un problème essentiel pour l’humanité aujourd’hui. On voit bien que, dans le conflit actuel entre groupes terroristes et États « occidentaux », chacun se donne beaucoup de mal pour justifier ses actes sur le plan moral.

Dans ce contexte, proposer une « approche critique » de ces termes, comme l’ont suggéré les organisateurs, est fondamental. Outre les experts de ce centre de recherche islamique, étaient également invités des chercheurs en philosophie, en sciences politiques de Nouvelle-Zélande ou des pays du Maghreb.

Quel est l’état de la doctrine actuelle, au sein de l’Église catholique, sur la « guerre juste » ? Cette notion peut-elle légitimer certaines violences ?

Mgr M. A. G. : J’ai laissé les responsables musulmans présents débattre de la notion de djihad, dont les interprétations sont très diverses. Quant à moi, j’ai essayé de resituer celle de « guerre juste » à l’intérieur de la tradition catholique, de montrer – de manière très résumée – que saint Augustin et saint Thomas d’Aquin déjà s’accordaient sur des critères restrictifs : une guerre ne peut être « juste » que menée par une autorité légitime et pour une juste cause.

Récemment, le concile Vatican II a posé une claire condamnation de la guerre, la seule exception étant la légitime défense pour arrêter l’agresseur et quand tous les moyens d’établir la paix ont échoué. Et lors de la journée interreligieuse de prière pour la paix à Assise, le pape François a rappelé que « la violence sous toutes ses formes ne représente pas la vraie nature de la religion », qu’elle est même « l’antithèse » de la religion.

Comment les religions doivent-elles contribuer concrètement à la paix ?

Mgr M. A. G. : Nous pouvons déjà regarder en face la terreur causée par les tendances extrémistes au sein de nos religions, réaliser à quel point notre humanité est blessée et a soif de paix. Comme croyants aujourd’hui, nous devons regarder vers l’avenir, être convaincus que toute guerre est incompatible avec l’éthique religieuse. Nous devons identifier ceux qui, parmi nous, commettent des actes inacceptables au nom d’une idéologie « religieuse », dénoncer « toutes les violations contre les droits humains et contre la dignité humaine » comme l’a dit le pape fin 2014 à Ankara.

Mais nous devons aussi agir positivement pour que ceci n’arrive plus. Le respect, l’amitié, le dialogue sont des voies qui mènent à la paix. Pendant ces deux jours, la question du travail à faire sur la terminologie – djihad, guerre juste, etc. –, sur l’interprétation de ces notions, est souvent revenue elle aussi. Ce travail, le monde l’attend de nous tous.

Recueilli par Anne-Bénédicte Hoffner, le 21/03/2017 à 15h06